— Puisse le ciel nous apporter pardon et tempérance en cette fin des temps.

La lueur aveuglante qui avait surgi au moment où j’allais mourir parla de cette voix pénétrante. Mes tympans finissaient de s’habituer à la vibration quand j’entrepris de reprendre mes esprits et le déroulé de ces brefs instants.

Deux étranges créatures élancées et terriblement émaciées étaient venues à notre rencontre. L’une possédait une belle peau noire cependant et sa crinière s’emmêlait de façon tout à fait potable. L’autre par contre s’avérait extrêmement affreuse. Pâle, toutes en saillie acérées même pour ses habits, j’avais de la peine pour elle.

Pourtant preuve en était qu’il ne fallait pas juger la citrouille à sa peau, car elle avait semblé s’opposer à l’assaut de sa comparse.

Celle qui avait voulu me perforer la couenne. J’en étais encore toute retournée. À la place, ma jolie boucle en houppette était tombée au sol après que l’éclair zèbre l’air entre nous tous.

— Je ne resterai pas longtemps, reprit la lumière. Le très haut songe à vous donner un augure favorable.

— Et à qui devons-nous cette éclatante interruption ? railla la créature noire qui massait son poignet.

 D’ordinaire, je me tiens invisible à vos côtés, mais cette fois-ci, puisque l’affaire concerne les rêves, j’ai carte blanche quant à mon apparence.

— Je ne vous ai pas demandé comment vous aimiez vous saper !

— Alors, disons que je suis un messager. Comme d’habitude.

— Je pense qu’on a compris, s’impatienta le porte-manteau pâlichon.

Nous échangeâmes un regard avec Gabuchon. Son nez rond frissonna. Tout comme moi, il n’interprétait pas ces devinettes qui lançaient pourtant un sourire aigu sur la face de la figure sombre.

— Je viens pour rendre grâce et courage.

— On va perdre notre temps à écouter un envoyé de l’ultime sphère qui d’habitude n’en a rien à carrer des cauchemars, répliqua mon assaillante.

— Pour guérir la maladie, les plaies, les malédictions, poursuivit l’espace blanc qui rayonnait entre nous. Ou plus précisément le grain de sable doré qui s’est inséré dans l’engrenage. Ou le goudron qui a collé les plumes du rêve, c’est selon.

— Je comprends mieux, dit la créature pâle en s’approchant de moi.

— Vous avez croisé la Jument, n’est-ce pas ?

Elle tendit son index vers mon visage. Je reculai un peu, mais malgré mon dégout je lui laissai le bénéfice du doute. Elle toucha ma joue et observa le dépôt sur son doigt.

— Et bien ne perdons pas de temps et faites votre œuvre, dit-elle. N’ayez crainte, c’est votre jour de chance, ajouta-t-elle avec un œil espiègle à mon attention.

Ce regard alluma un petit brasier dans mon ventre.

Le soleil blanc rayonna vers moi. J’entrai dans le souvenir d’un matin de printemps, ou dans le parfum frais d’un linge propre et lumineux sur l’étendage ou peut-être dans le jus de la chair d’une pomme. Tout ça pour dire que je suis prête à le refaire tous les jours tant je sentis ma peau vivre et respirer et mes orteils s’agiter de plaisir.

— Tant que je vous tiens, chuchota la lumière tout autour. IL souhaite que vous travailliez ensemble, vous, Gabuchon, détective et Samantha. Il trouve cette idée tellement saugrenue qu’il y voit la solution. Et avant que j’oublie, il est fort possible que l’autre partie soit également intéressée par la non fin des temps. Méfiez-vous tout de même de son envoyé.

La lumière s’éteint en moi et je me retrouvai au milieu des autres.

— Tes larmes ! s’écria Gabuchon. Elles sont redevenues des larmes.

— A-t-il dit autre chose ? demanda la figure au long manteau.

— Vous êtes détective ?

S’en suivirent un interrogatoire, quelques explications et excuses vite lancées pendant lesquels j’appris que Samantha, la chasseresse noire et Ashley, — le ou peut-être la détective, ou les deux sans doute, mais pâle dans tous les cas —, poursuivaient un cauchemar. Samantha m’avait prise pour ce cauchemar rapport à la malédiction. De mon côté, je réussis à livrer les messages de l’ange parce que l’ange avait placé cette idée dans mon âme. Enfin je crois que je n’oubliais rien de l’autre partie, de la fin des temps et de travailler ensemble.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *