« C’est bon, il est parti ? »

Une voix bien timbrée, un peu rauque, très mâle, insupportable, et une apparition en feu d’artifice. Il ne lui manquait qu’une boule disco pour parachever son entrée en scène.

« Je le laisse toujours passer en premier, susurra le Démon. Je préfère avoir le dernier mot. »

Ben voyons. Ou alors c’est que la Loi des Apparitions Extraplanaires a posé un ordre de préséance auquel vous ne pouvez rien.

Ou encore que vous êtes par essence en retard, c’est possible aussi.

Le Démon nous dévisage l’un après l’autre avec un sourire radieux.

« Profitez-en bien, annonce-t-il, je ne reviendrai pas, et je suis LA guest star de cette petite aventure. »

Je me demande si je pourrais obtenir une arme lucide céleste, et la lui planter dans le cœur. Je ne suis pas sûre que les Démons aient un cœur, je ne suis vraiment pas spécialiste de la question. Joanna saurait, mais elle est très, très loin d’ici.

« Vous êtes fantastiques ! nous dit-il. Je crois bien que vous êtes mon équipe de non-fin du monde préférée. Vous… » Il se tourne vers les deux marmousets.  « … Vous êtes si délicieusement naïfs, et en même temps délicatement corrompus. Et gourmands. J’adore ce mélange. Je regrette que l’autre imbécile ait guéri vos plaies les plus visibles. Cela vous ajoutait un je ne sais quoi des plus odorants. Vous, Samantha… »

Je vais l’étriper.

« Toute cette colère ! s’enthousiasme-t-il. Cette foi dans les lois ! Cette certitude d’être du côté de la justice ! Les meilleurs ingrédients d’une Chute dans les règles, mon souverain en sait quelque chose. Et vous, bien sûr… »

Il tend vers Ashley une main caressante.

« … vous me ressemblez un peu, n’est-ce pas ? Mais en moins… en plus… il est bien possible que je revienne pour vous, à vrai dire. Je ne suis pas… insensible… à ce que vous dégagez…»

A partir de combien de halètements a-t-on le droit de le coffrer pour atteinte à la pudeur, je me demande.

Mais Ashley maugrée : « Vous êtes bien le seul ici. »

Le Démon éclate de rire.

« Passons aux choses sérieuses ! Le véritable ennemi… Vous réalisez bien que je ne parle pas de l’Ennemi, évidemment, puisque je travaille pour Lui. Non, le véritable antagoniste de cette charmante petite histoire n’est pas Celle que vous croyez. Il est beaucoup, beaucoup plus vicieux. Et je parle en connaisseur. Quant au reste…»

Il agite des doigts négligents. Tout en lui est négligent. Presque tout en lui est doigts, aussi, d’une façon beaucoup plus dérangeante.

« Il ne s’agit pas de la fin du Monde avec un grand M, évidemment, mais il pourrait bien s’agir de la fin de ce monde-là. Le vôtre, mes doux velus. Un bon petit monde, où vous étiez douillettement installés, pas vrai ? On avait oublié son existence, à ce petit coin-là, mais maintenant… Enfin, c’est à vous de vous en débrouiller. Ou de l’embrouiller. Vous m’avez l’air de beaux embrouillaminis, surtout toi, ma Bouclette tondue. Oh, j’y pense ! » Il se retourne vers ma détective : « Vous feriez peut-être bien de ne pas traîner ici trop longtemps, beauté. Vous n’êtes pas exactement dans les Rêves. Pas exactement dans la réalité non plus, mais vous pourriez bien vous dissoudre. Je trouve que vous miroitez déjà un peu. Vous vous irisez sur les bords. Ici. »

Il en profite pour lui caresser la joue, puis, dans un dernier sourire ravageur, il disparaît en crépitant.

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