Je sais bien quel secret tu cherches, petite. Ne me regarde pas ainsi, je vois que tu es adulte, ça ne change rien. Vous êtes toutes petites par rapport à moi, vous le serez longtemps.
Tu cherches le secret d’Anacharsis. Tu te demandes ce qui te manque. N’es-tu pas en mer, de bien des façons ? Oui, oui… mais ce n’est pas forcément une bonne idée. N’être ni vivant ni mort, ce n’est pas la même chose que d’être immortel. Une autre sorte de gens, ce n’est pas forcément une espèce supérieure. Ni plus puissante. Ni plus libre.
Tu penses que je radote. Tu ne m’écoutes pas vraiment. Tu es jeune, et sûre de ce que tu veux.
Ne me parle pas de tes intentions, elles ne m’intéressent pas. Vous avez tous de hautes intentions, d’excellentes raisons et de grandes visées philanthropiques. Le secret n’a rien à voir avec vos intentions, bonnes ou mauvaises. Il a à voir avec les façons d’être en mer.
Bien sûr que je le connais, sans quoi tu ne serais pas là, et je n’y serais pas non plus, depuis longtemps.
Je vais t’en donner la première clef. Pour être en mer, il faut être abîmé.
Ne m’interromps pas, gamine. Ce n’est pas un jeu de mot. Ce n’est pas une énigme que tu dois résoudre. C’est littéral : tu dois être abîmée, pour toujours. Tu ne dois pas guérir, tu ne dois pas laisser tes blessures se refermer. Peu importe qu’elles soient physiques ou pas, tu dois verser sur elles le sel de la mer, les irriter, que tes plaies rougissent, qu’elles gonflent, qu’elles te laissent une cicatrice indélébile.
Ce n’est pas confortable, non, ce n’est pas joli. Je t’avais prévenue.
Quand tu auras fait cela, quand tes lèvres seront gercées de sel, et ta cicatrice toute neuve te picotera, et que tu sauras que tu t’es abîmée pour toujours… oui, alors tu pourras chercher la deuxième clé.
Elle t’attend au pôle. Elle n’est pas plus agréable que la première.
Mais crois-moi : la troisième est la pire.